mardi 4 septembre 2007

Situation des biocarburants en Afrique de l’ouest

Après un rappel des enjeux environnementaux et énergétiques, l’article fait un tour d’horizon des projets en cours ou à l’étude dans différents pays de l’Ouest africain.

Article de M. Gbosségnon Christophe GANDONOU paru dans la revue GRAIN.

Depuis quelques années, les communautés nationales, les organisations non gouvernementales (ONG), les institutions nationales et internationales ont pris la mesure du danger que constitue l’émission des gaz à effet de serre par les énergies fossiles en particulier les produits pétroliers. Ces gaz sont à l’origine de graves perturbations environnementales conduisant aux changements climatiques observés de plus en plus et qui hypothèquent l’équilibre écologique dans les différentes régions du monde. De plus le coût de plus en plus élevé des hydrocarbures (pétrole et ses dérivés) et la perspective d’un épuisement de cette ressource naturelle énergétique non renouvelable a amené les états à réfléchir au développement de nouvelles sources d’énergie écologiquement propre et économiquement rentable. Parmi ses sources d’énergie renouvelables, les bioénergies en général et les biocarburants en particulier sont celles qui attirent l’attention des responsables politiques compte tenu du fait que la filière carburant est celle qui consomme le plus de produits pétroliers et qui produit le plus de gaz nuisibles à l’environnement et à la santé. Ainsi il est admis que l’utilisation de l’éthanol pur à la place de l’essence permet une réduction de l’émission des gaz à effet de serre de l’ordre de 75% (source IFEN). Au-delà de cet aspect environnemental, les biocarburants contribuent également à la réduction de la dépendance énergétique des pays, une hausse de la production permettant de réduire les importations de pétrole ou ses dérivés. Par ailleurs le développement des biocarburants crée de nouvelles filières agricoles et pourraient offrir de nouveaux créneaux porteurs pour les agriculteurs des pays en voie de développement.

Les pays de l’Afrique de l’Ouest, comme la plupart des pays africains, n’est pas restée en marge de la tendance au développement des biocarburants.

Elaboration de politiques et stratégies nationales en matière de biocarburants

La plupart des pays de la sous-région ouest-africaine ont élaboré ou sont en train d’élaborer des politiques et stratégies nationales en matière de biocarburants.

Le Sénégal, le Ghana et le Nigéria possèdent des stratégies nationales de promotion des biocarburants. Ces stratégies sont basées sur la mise sur pied d’un comité technique chargé de définir les politiques à mettre en œuvre dans ce secteur, de créer un cadre législatif et réglementaire incitatif pour la production et l’utilisation des biocarburants et de développer dans les court et moyen termes des filières bioalcool et biodiesel. Si la stratégie nigériane se base sur la production de bioéthanol à partir du manioc et de la canne à sucre, le Ghana a accentué son projet pilote sur le pourghère avec la société Anuanom Industrial Bio Products Ltd développe un immense projet de culture de Jatropha pour la production de biodiesel, en collaboration avec le secteur public. L’objectif est de développer une plantation de Jatropha sur une superficie d’un million d’hectares (1 000 000 ha).

Au Bénin, dans le cadre du Projet de Fourniture des Services d’Energie (PFSE) de la Direction Générale de l’Energie, il est envisagé, dans la cadre de la composante biomasse du projet, la production locale de bioéthanol et de biodiesel. A cet effet, un programme de Développement des Biocarburants est en cours de préparation au Bénin et vise à produire du biodiesel à partir du ricin (Ricinus communis) et du pourghère (Jatropha curcas) destiné au secteur agricole, aux transports et à la production d’électricité et du bioéthanol comme énergie de cuisson et comme carburant de substitution à l’essence à partir de la pomme d’anacarde.

Au Burkina Faso, au Niger et en Côte d’Ivoire, les gouvernements ont exprimé clairement leur souhait de développer la production des biocarburants. Mais ce sont les opérateurs privés qui se sont lancés les premiers dans le développement de projet visant à produire des biocarburants. Ainsi, au Burkina Faso, les sociétés DAGRIS et SN CITEC ont élaboré un projet de production du biodiesel à partir de l’huile de coton destiné à être incorporé au gazole et/ou pour carburation dans les groupes électrogènes utilisés pour la production d’électricité dans le pays alors qu’en Côte d’Ivoire c’est la société « 21st Century Energy » qui compte investir environ 650 milliards Fcfa sur une période de 5 ans pour produire l’éthanol pour l’exportation sur le marché sous-régional et même international. Cela découlera sur une production de 3,5 milliards de litres de biocarburant par an, en utilisant la canne à sucre et le maïs. Au Niger, c’est le pourghère (Jatropha curcas) qui a attiré l’attention des responsables de la Société IBS Agro Industries qui s’intéresse à la production de biocarburants. Cette société a déjà initié l’expérimentation dans la région de Gaya où il se propose d’aménager 4000 ha pour la culture de cette plante et d’installer une usine pour produire 25000 litres par jour de biocarburant. Dans ce pays, de plus en plus d’opérateurs privés s’intéressent à cette filière.

Au Mali, la culture du Jatropha est déjà assez avancée. Cette plante est très largement utilisée comme haie dans la pays sur environ 10000 kilomètres avec un taux de croissance de 2000 kilomètres par an. C’est la GTZ qui a lancé les activités relatives au Jatropha dans ce pays en 1987 dans le cadre d’un programme de promotion des énergies renouvelables. Le projet Jatropha lui-même a commencé en 1993 et s’est terminé en 1997 ; ce projet ne visait pas particulièrement la production de biocarburants mais plutôt l’utilisation de cette huile comme élément essentiel pour activer un système circulaire combinant des effets écologiques, économiques et de génération de revenus en particulier en faveur des femmes. Ces activités ont permis de montrer que moyennant l’addition d’un filtre à essence, l’huile pure de Jatropha peut faire fonctionner les moteurs de type Lister qui sont utilisés dans les zones rurales pour faire tourner les moulins à grains et les pompes à eau. Certaines études ont même envisagé la substitution du pétrole par l’huile pure de jatropha pour les lampes et les cuisinières.

A côté de la canne à sucre et du manioc, le Nigéria explore également la possibilité d’utilisation de l’arachide, les graines de citrouille, du pourghère (Jatropha curcas) et le palmier à huile pour la production du biodiesel. Mais certaines de ces cultures pourraient contrarier la relève du défi de la sécurité alimentaire.

Un partenariat public-privé commence à s’installer dans le secteur

Dans la plupart des pays, même si l’initiative est prise par les autorités publiques, les sociétés privées et les Organisations Non-Gouvernementales (ONG) sont associées aux stratégies. Dans certains cas, ces privés ou ONG s’intéressent au secteurs des biocarburants indépendamment des décisions publiques. C’est ainsi qu’au Bénin, les ONG- Jeunesse Sans Frontières-Bénin (JSF-Bénin), Africa Cultures et Goupe de Recherches Scientifiques et Techniques sur les Energies Renouvelables (GRSTER-ONG) ont commencé des activités de recherche ou de production sur le pourghère (Jatropha curcas). Au Ghana, c’est la société Anuanom Industrial Bio Products Ltd qui a été associée au développement des biocarburants. En côté d’Ivoire, le gouvernement en donnant son accord de principe à M. David Meyers, président de la société « 21st Century Energy » à travers le ministère de l’Agriculture a consacré l’établissement d’un partenariat secteur public-secteur privé.

Des organisations sous-régionales s’impliquent dans le développement des biocarburants

L’union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a élaboré un Programme Régional Biomasse Energie (PRBE). La mise en œuvre de ce programme devrait contribuer à l’élaboration d’une Politique Energétique Commune (PEC). Dans le cadre de ce programme, un atelier de validation de l’étude sur le développement de la filière Ethanol /Biocarburants dans l’espace UEMOA s’est tenu à Dakar du 20 au 22 novembre 2006. L’UEMOA et le FAGAS (Fonds Africain de Garantie et de Financement) sont impliqués dans la promotion et le développement de la filière Biocarburant en Afrique de l’Ouest.

Déjà une Association Africaine des Producteurs de Biocarburants (AAPB)

Réunis à Dakar, des opérateurs privés ont décidé de coordonner leurs efforts pour promouvoir les biocarburants dans les pays de l’UEMOA. En marge de l’atelier de validation de l’étude sur le développement de la filière Ethanol /Biocarburants dans l’espace UEMOA s’est tenu à Dakar du 20 au 22 novembre 2006, les opérateurs privés qui y participaient ont décidé de créer une association dénommée « Association Africaine des Producteurs de Biocarburants (AAPB) ». Cette association a pour objet de promouvoir la production et la commercialisation des biocarburants en Afrique.

Conclusion

Le développement des biocarburants intéresse la plupart des pays ouest africains. Dans ces pays, les différents programmes de développement de ces carburants sont à leurs débuts ou en cours d’élaboration. Un partenariat secteur public-secteur privé commence à se développer dans plusieurs pays et l’implication d’un organisme de coopération sous-régionale permet d’espérer un développement harmonieux d’un secteur qui présente des intérêts très importants pour le développement socio-économique et la protection de l’environnement dans ces pays.

Cependant, il est important de cibler des cultures qui contribuent à protéger l’environnement et qui n’hypothèquent pas la sécurité alimentaire dans ces pays dont certains sont caractérisés par une production alimentaire insuffisante. A cet effet, le pourghère (Jatropha curcas), le ricin et le pomme d’anacarde apparaissent comme les cultures les plus prometteuses pour la production de biodiesel ou de bioéthanol.

Aujourd’hui, le pourghère (Jatropha curcas) est cultivé au Togo, au Ghana, au Sénégal, au Mali, en Côte d’Ivoire et au Niger. L’expérimentation a commencé au Bénin.

Pépin Tchouate


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