mardi 4 septembre 2007

Les pays riches ne respectent pas Kyoto

Article de Pierre Melquiot paru dans le journal en ligne « actualites-news-environnement », le 19 mai 2007

Le « Little Green Data Book 2007 » [1]
, 8ème édition de ce guide de référence publié par la Banque mondiale, avertit de la hausse des émissions de dioxyde de carbone. Selon lui, les émissions de gaz carbonique (CO2) sont en hausse de 16 % par rapport à 1990, les pays riches ne suivent donc pas les engagements de Kyoto. Les combustibles fossiles sont les principales sources d’émissions dans les pays riches et les économies émergentes. La déforestation et l’évolution de l’utilisation des sols sont des forces motrices du monde en développement.

Les émissions de dioxyde de carbone (CO2), cause principale du réchauffement de la planète attribuable aux activités humaines, continuent d’augmenter, la planète produisant aujourd’hui 16 % de CO2 de plus qu’en 1990, selon le Little Green Data Book 2007, sorti aujourd’hui à l’occasion de la 15e session de la commission du développement durable des Nations Unies (CSD-15), dont les délibérations portent sur l’énergie et le changement climatique.

Selon l’édition 2007 de cette publication annuelle de la Banque mondiale, les émissions actuelles émanant des combustibles fossiles et des cimenteries (les données globales les plus récentes concernent l’année 2003) proviennent à part égale des pays industrialisés et des pays en voie de développement. En 1960, les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ne représentaient qu’un tiers des émissions mondiales.

Selon ce guide, les émissions ont enregistré une hausse plus rapide dans les pays les plus pauvres, notamment en Asie orientale et en Asie du Sud. Mais la tendance à la hausse caractérise également les pays à revenu élevé. Les États-Unis et le Japon ont enregistré des hausses très importantes d’émissions de CO2 : respectivement 20 et 15 % entre 1990 et 2003. Les émissions des pays de l’Union monétaire européenne ont augmenté de 3 %. Les pays riches sont globalement largement à la traîne par rapport aux engagements de Kyoto qui établissaient une réduction moyenne, d’ici 2012, de 5,2 % comparativement aux niveaux de 1990. La seule exception provient des pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (ECA) dans lesquels les émissions ont baissé en raison de la récession des années 1990.

Toujours selon ce guide, la Chine et l’Inde se classent parmi les principaux émetteurs pour les pays en voie de développement. Les émission de dioxyde de carbone en Chine ont augmenté de 1 700 millions de tonnes entre 1990 et 2003 (+ 73 %), et de 700 millions de tonnes en Inde (+ 88 %). Tout en contribuant fortement au total mondial, les émissions de Chine et d’Inde sont très faibles en données par habitant. Un Chinois moyen n’émet que 16 % de ce qu’émet un citoyen américain moyen et un Indien moyen en émet 6 %.

Les émissions de dioxyde de carbone proviennent principalement de la combustion de combustibles fossiles et de la fabrication de ciment. Le Little Green Data Book 2007 indique que ceci est spécialement vrai pour les pays industrialisés et les économies à croissance rapide comme la Chine et l’Inde. Le rapport montre que les combustibles fossiles (c’est-à-dire le pétrole, le gaz naturel ou le charbon) sont employés pour générer 66 % de l’électricité à l’échelle mondiale. Au Moyen-Orient, la part des combustibles fossiles dans la production d’électricité est de 93 % alors qu’en Asie orientale et dans la région Pacifique – Asie du Sud, elle est de 82 %. À l’autre extrémité du spectre se trouvent l’Amérique Latine et les Caraïbes, avec 38 % de l’électricité produite à partir de combustibles fossiles.

« La politique énergétique jouera un rôle crucial dans la détermination des émissions à venir, » explique Warren Evans, directeur de l’environnement à la Banque mondiale. « Les technologies sont déjà disponibles pour réduire les émissions dans le secteur de l’énergie. Elles intègrent l’utilisation de centrales à charbon ultra-efficaces, l’emploi de gaz naturel et d’énergies renouvelables de pointe. »

Dans les pays en développement, les émissions de gaz à effet de serre proviennent principalement de l’agriculture et de l’évolution de l’utilisation des sols, comme la déforestation. Un récent rapport intitulé “Indonesia and Climate Change” (l’Indonésie et le changement climatique) publié par la Banque mondiale et le gouvernement britannique indique, par exemple, que la déforestation place l’Indonésie au troisième rang mondial des plus grands émetteurs après les États-Unis et la Chine. (“Indonesia and Climate Change”, un document de travail du DFID et de la Banque mondiale sur l’état et les politiques actuels, mars 2007)

« L’évolution de l’utilisation des sols, la foresterie et l’agriculture représentent en moyenne plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre des pays en développement, comparativement aux 10 % des pays industrialisés, » ajoute Evans. « Pour qu’un accord sur le changement climatique post-Kyoto fonctionne, les nations développées et en voie de développement devraient prendre en compte les avantages d’une déforestation évitée et créer les mécanismes financiers nécessaires au transfert des ressources qui protègent efficacement leurs forêts. »

Prenant la parole lors du lancement de la publication, Mark Radka, chef du service énergie du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a indiqué que le Little Green Data Book « souligne le besoin d’inverser la tendance alarmiste de croissance constante des émissions de gaz à effet de serre. Fort heureusement, il semble que nous assistions à une prise de conscience accrue du problème et d’une volonté croissante d’agir. En fournissant une telle mine de renseignements, le Little Green Data Book ne peut que favoriser la stimulation d’un tel intérêt. »

Jacqueline Cote, conseillère principale du service Advocacy & Partnerships (Promotion & partenariats) du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable a expliqué lors de la sortie du guide que « le Little Green Data Book 2007 confirme le besoin de changements rapides et radicaux dans le système énergétique mondial. De telles données favorisent non seulement la compréhension mutuelle entre les participants commerciaux et non commerciaux, mais soutiennent l’engagement commercial progressif de partenariats avec les gouvernements pour développer et mettre en place des mesures associées à l’énergie qui sont étalonnées par rapport aux triples objectifs de compétitivité, sécurité énergétique et environnement. »

Par ailleurs, l a déforestation et l’évolution de l’utilisation des sols sont des forces motrices du monde en développement. Le Little Green Data Book 2007 montre que la déforestation est essentiellement une caractéristique des pays les plus pauvres. Entre 1990 et 2005, près de 45 000 kilomètres carrés de forêts ont été dévastés dans les pays à faible revenu (correspondant à un taux annuel de déforestation de 0,5 %) et 38 000 kilomètres carrés dans les pays à revenu intermédiaire (taux annuel de déforestation de 0,16 %).

Selon Kirk Hamilton, économiste sénior en environnement de la Banque mondiale, et auteur principal du guide ,« la déforestation est non seulement une cause d’augmentation des émissions de dioxyde de carbone mais c’est en soi une conséquence de la pauvreté.Les forêts tropicales diminuent à une vitesse alarmante en raison du besoin de nourriture et des demandes en bois d’œuvre, énergie, minéraux et autres ressources. Les forêts abritent au moins la moitié de la totalité des formes vivantes sur terre et la biodiversité de la planète est sérieusement affectée au fur et à mesure que la déforestation se poursuit. »

Hamilton conclut : « Il existe une reconnaissance croissante que la gestion forestière est essentielle au développement durable, particulièrement quand l’économie locale ou nationale se fonde directement sur l’emploi des ressources forestières. De plus, les écosystèmes forestiers ont des impacts majeurs sur le sol, l’eau et la productivité marine côtière sur de très grandes zones. Ils ont également une influence significative sur le cycle mondial du carbone qui joue un rôle essentiel dans le contrôle climatique à l’échelle locale et planétaire. »

La réduction de la déforestation nécessite en autre la fourniture d’un accès à l’électricité pour les communautés locales. En Afrique subsaharienne, la consommation électrique par habitant est de 550 kWh, soit sept fois moins que la moyenne des pays à revenu élevé où la consommation électrique se monte à 3 454 kWh par habitant. Un meilleur accès à l’électricité signifie, à son tour, une moindre dépendance aux combustibles traditionnels. Actuellement, les combustibles ligneux sont toujours la source principale d’énergie pour environ 2 milliards de personnes dans les pays pauvres. Les biocombustibles solides sont associés aux problèmes respiratoires provoqués par la fumée intérieure. La plupart des victimes de ces problèmes sont des nourissons, des enfants et des femmes dans les familles pauvres de la campagne. Les infections respiratoires aiguës chez les enfants et les maladies pulmonaires chroniques chez les femmes sont monnaie courante.

Selon le guide, en Afrique subsaharienne, 56 % de l’utilisation totale d’énergie provient de biomasse traditionnelle. Si l’on effectue un classement des pays dans le monde, les 20 premiers sont tous des pays d’Afrique, à l’exception du Népal (quatrième pays dans la liste), de Haïti (onzième) et de Myanmar (douzième).

Pierre Melquiot pour le journal en ligne actualites-news-environnement.


Pour de plus amples informations, voir le site internet de la Banque mondiale(EN).

Jérome Levet

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